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導引Dao Yin
28 avril 2009

Petite introduction à la pratique du bonsai

             Un texte écrit spécialement pour ce blog par Jean-Dominique Alves. Les photos sont de Walter Pall.

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             Les arbres

            Tout d'abord et avant tout, l'essentiel : l'arbre... Vaste sujet que l'arbre (plus encore que celui du bonsaï). Etre vivant, cousin de l'humain, il était là avant nous.

            Les premières cellules eucaryotes (ce sont nos cellules, nous les avons en commun avec les végétaux) sont apparues il y a un milliard d'années. Puis sont apparues les premières algues marines. Il y a environ 400 millions d'années, durant l'ère primaire, apparaissent les premiers végetaux terrestres essentiellement composés de lichens, de mousses et de fougères. Ensuite, sont venues les fougères arborescentes (qui sont à proprement parler les premier arbres). A l'ère secondaire, arrivent les premiers conifères puis le célébre gingko (dit aussi " arbre aux 40 écus " ou " fossile vivant " avec des arbres uniquement mâles et d'autre uniquement femelles, le pollen dispersé par le vent faisant alors le reste). Apparaissent également les oiseaux. Au tertiaire, les feuillus et leurs fruits se développent (chêne, bouleau, frêne...) avec un système de reproduction plus performant et enfin, dernier chaînon connu de l'évolution : les arbres à fleurs et leurs abeilles et leurs nouvelles stratégie de reproduction.

L'arbre a choisi un mode de vie sédentaire, une façon d'être au monde particulière. Au dessus du sol, l'arbre se plaît à s'étendre, à rechercher la lumière, parfaite charnière entre ciel et terre. Au dessous, le mystère règne : animaux, champignons, humidité... Au contraire, sa cîme oscille, prend son temps à compter les mesures du plus haut ciel, à écrire le temps. Pour nous, on dira qu'il prend son temps, ce qui lui donne parfois, à force de modestie et de tenacité des allures grandioses (pensez à nos forêts - Le silence du vent qui les fait chanter à nos oreilles).

            Selon le fondateur de l'école Soto Zen au Japon au tout début du XIIIème siècle, dans son recueil du Shobogenzo (la Vraie Loi, trésor de l'oeil), " le maintenant vivant de l'Etre-Temps est en moi, c'est l'être-temps", ce qui n'empêche pas les arbres d'y être aussi : " le bambou est temps, le pin est temps." (tout comme la montagne, la mer...) Si l'arbre exprime bien le temps qui passe (l'histoire), il est peut-être avant tout le temps qui surgit (la vraie nature du temps).

            A vrai dire, l'arbre ne bouge pas - il n'est tout de même pas tout à fait immobile puisqu'il pousse et il peut même arriver qu'il progresse de lui-même dans une direction, lente migration, et cela d'un point de vu strictement scientifique. En effet, du point de vue génétique, le plus vieil arbre connu en tant qu'organisme pourrait être un épicea qui a germé en Suède, en 7542 avant JC, sur la montagne Fulu et n'a pas depuis cessé de croître. En réalité, il s'agirait plutôt d'un des clônes issus de la plante mère : l'âge exact de la partie visible n'est pas de dix mille ans, mais l'analyse du bois mort montre qu'il contient le même matériel génétique que la partie vivante et contemporaine de cet arbre. D'un certain point de vue, il s'agit du même arbre mais pour l'amateur de bonsai, la vision de l'arbre ne se limite pas à la botanique !

            On dit que l’arbre pousse, sa croissance ne s'arrête qu'à la mort. Pour chercher la lumière, il doit souvent faire face à une rude concurrence, alors il s'étire, étend ses branches, déploie ses feuilles... L'arbre se développe année après année en stockant le carbone, il vit sur ce squelette en perpétuel évolution : branches-racines en symétrie, réseau d'équivalence.

            Pourquoi les arbres nous parlent-ils, pour ceux qui veulent écouter ? Tout simplement parce qu'ils sont là. Ils ont des vertus, des pouvoirs, des symboles... Peut-être nous apportent-ils paix et sagesse...

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           L’origine

           D’où vient l’idée saugrenue de planter ces envahissantes plantes dans de petits pots ?

           L'idée au départ était chinoise, dès le IIIème siecle, elle découlait de l'admiration que portait ses contemporains à la nature et il s'est donc agit de récuperer de beaux et petits arbres et de les mettre en pot afin de profiter plus longements de leur beauté. De les mettre sur un piédestale en quelque sorte. Ils servaient aussi de support à la méditation. On parle alors de penjing, paysage en pot, puis par la suite de penzai, arbre en pot.

De là est née toute une culture de l'arbre en pot et des techniques en vue d'améliorer leur esthétique. L'arbre en pot, selon la pensée taoïste évoque le grand dans le petit et inversement : l'univers dans un pot... Venons-en à la pratique elle-même que l'on nomme aujourd'hui le bonsai.

De la Chine, la pratique s'est répandue rapidement au Japon grâce aux moines qui amenaient le boudhisme au VI, VIIème siècle. Evidemment cette pratique était réservée à la classe dominante. En 1873, l’empereur japonais Meiji élève le bonsaï au rang d’art national ! Cet art dès lors japonais à été poussé à sa science la plus élévée. Après la seconde guerre mondiale, le bonsai est exporté aux Etats-unis, puis plus tard en Europe.

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            La pratique

            La pratique du bonsaï nécessite avant tout une bonne connaissance des besoins de l'arbre et des techniques de culture et bien sûr une bonne observation des arbres ainsi qu'un peu d'imagination et de sens artistique. Un bonsai est avant tout un arbre en bonne santé !

            Aujourd'hui, un des principes de culture est d'utiliser des substrats neutres n'apportant aucun ou très peu d'éléments nutritifs à la plante et ayant un fort pouvoir drainant pour éviter tout pourrissement des racines. On gère donc les apports d'engrais en fonctions des besoins. On utilise pour cela des engrais organiques équilibrés et faiblement azotés pour éviter les trop grandes pousses. Il faut connaître également les besoins en eau et l'exposition nécessaire à la lumière.

            Il existe aussi de nombreuses techniques de mise en forme pour le tronc et les branches. L'haubanage consiste à donner une forme voulue à une branche (ou un tronc) et de la maintenir en position en l'attachant à l'aide de cordes à un point fixe, la ligature quand à elle consiste à enrouler un fil de cuivre en spirale autour d'une branche et de lui imprimer une forme (il faudra penser à l'enlever avant que le cuivre ne s'incruste dans l'écorce). Quant à la taille, elle permet aussi de donner forme aux branches en coupant les trop grands rameaux et de sélectionner les bourgeons que l'on veut garder. D'autres techniques existent pour le traitement des bois morts, d'autres encore pour densifier le feuillage.  D'autres pour rempoter son arbre lorsque les racines commencent à se sentir à l'étroit (on rempote environ tous les trois ans)...

            Pour créer un bonsaï, on peut choisir n'importe quel espèce d'arbre. Le plus souvent un bon sujet est retenu pour la qualité de son écorce, la beauté de ses feuilles (de préférence de petite dimension) ou de ses fleurs, sa capacité à récupérer rapidement des différentes interventions et bien d'autres critères... On peut alors, soit planter une petite graine et attendre quelques années ou bien partir d'un petit arbre qu'on prélève délicatement, ce qu'on appelle dans le jargon "un Yamadori ". L'une et l'autre méthode ne donnent pas les mêmes bonsais, pour les seconds, le " bonsaïste " devra trouver le sentiment, l'idée de l'arbre dans une plante déjà formée...

            Il faut également connaître les arbres et leurs formes, leurs "styles" selon les milieux où ils évoluent. En outre, certains arbres sont plus appropriés que d'autres à être travaillés dans certains styles. Un génévrier aura probalement beaucoup de bois mort, un conifère de haute montagne pourra être travaillé en cascade tandis qu'un feuillu aura un port droit et une belle écorce unie : la nature est ainsi faite !

            Un autre facteur prépondérant est le temps et le respect de celui-ci. Il faut au minimum dix années de culture pour prétendre obtenir un bonsai avec un peu de maturité. Selon les maîtres japonais, cinq années sont nécessaires pour apprendre à les arroser... le double pour les pins ! Patience... Ou tout simplement ne pas trop attendre mais profiter de l'instant présent avec les arbres.

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              L’esthétique

            Le pratiquant recherche pour ses arbres : "la maturité". Cela évoque la vieillesse, le naturel et la vénérabilité. Ce sont les concepts japonais de Wabi et Sabi qui regroupent tous ces termes : Wabi = dépouillement, simplicité, sobriété et Sabi = marque du temps, usure, rusticité, nostalgie... Ces concepts sont intimement liés à la cérémonie du thé et à la philosophie zen. Un arbre doit évoquer force, âge, sagesse, modestie, puissance, élégance...

               Un texte de Laozi

                        " Qui sait être le mâle préserve en lui la femelle

                           Et devient la ravine du monde sous le ciel.

                           Devenu la ravine du monde sous le ciel,

                           La constante efficience ne le quitte plus.

                           Il retourne à nouveau à l'état de nouveau-né.

                           Qui connaît sa blancheur préserve sa noirceur

                           Et sert d'exemple au monde sous le ciel.

                           Servant d'exemple au monde sous le ciel,

                           La constante efficience ne lui fait plus défaut.

                           Il retourne à nouveau au sans-limite."

            Texte qui pourrait très bien convenir à un arbre !

            Même si le bonsaï est soumi à un projet, il n'est jamais "fini". Tout juste est-il exposé à un moment donné (si j'ose la comparaison, c'est une bête pomponnée, brossée et rebrossée...). Un arbre n'est pas figé (même si un bonsaï pousse en moyenne 10 fois moins vite que ses congénères dans leur milieux naturels). C'est un être vivant pourvu selon les nippons d'une âme (comme toute chose...). On est loin ici des plantes à rentabilité maximum élévées au canon à dioxyde de carbone, aux engrais chimiques surdosés (ce qui d'ailleurs, réduit gravement leurs défenses immunitaires et cause d'autres dégats irréversibles... ne serait-ce qu'écologiques !).

            Donc, au Japon, cet art a poussé la codification, les symboles et les styles inspirés de la nature à leur expression la plus savante. A un tel point qu'aujourd'hui, il me semble que de nombreux arbres perdent tout esprit de naturel, ceci est dû principalement à l'excès de codification, à des formes trop rigides trop souvent inspirées du monde du bonsaï lui-même plutôt que de la nature. Par exemple, lors de l'exposition d'un arbre portant des fruits, un japonais pourra détacher ces derniers pour les épingler au bon endroit ! L'impression de naturel et de facilité est comme dans tout art, le plus difficile à acquérir !

            Les principaux styles que l'on retrouve dans la nature sont pour les arbres de haute montagne les arbres en cascade ou semi-cascade, puis viennent les arbres de moyen relief comme les arbres penchés, battus par les vent, les arbres aux racines apparentes, sur roche, les lettrés, puis les arbres de plaine au style droit formel et informel, en forêt, sur roche, etc...

On pourrait écrire quelques mots concernant le style lettré qui est en soit le plus lié à l'écriture, au pinceau chinois. Il s'agit le plus souvent d'un pin construit d'un trait (d’un tronc...). Un style qui ne pardonne aucune médiocrité et qui ne respecte pas les règles de proportions dictées pour la majorité des bonsaïs. Le lettré porte haut sa frondaison, le tronc dénudé est délicat et long (il ne porte que de vieilles branches mortes), il oscille pour se rapprocher de la lumière. C'est un arbre qui s'accorde bien avec les exigences de l'esprit. Ne s'agit-il pas d'un savant, d'une sorte d'ascète ? Le lettré est peut-être le bonsai par excellence, pas d'esprit démonstratif là où la justesse des sentiments ne peut y faire défaut !

            Au Japon, les arbres sont divisés en deux grandes catégories, les conifères : arbres masculins et les feuillus : arbres féminins. En effet les pins, de part leurs conditions d'existence de hautes-montagnes difficiles ont été au Japon associés aux guerriers - écorce rugueuse, aiguilles persistantes, bois morts arrachés, tronc tortueux, base puissante, etc... alors que les feuillus sont le plus souvent des arbres de plaine au port droit et à l'écorce lisse et douce, leurs feuilles tombent à l'arrivée de l'automne laissant voir leur "timide nudité" alors qu'au primtemps, leurs branches se révêtent de fleurs odorantes et plus tard de fruits colorés... Mais, il y a quelques exceptions, des trans-genres type prunier qui peut porter des bois morts et qui est d'avantage rattaché aux principes masculins (Yin/Yang). Bref, de quoi s'amuser...

            N'oublions pas le pot, un pot qui doit lui aller comme la chaussure à son pied... Pots rectangulaires, ovales, ronds, profonds ou non, émaillés ou non. On peut choisir une couleur qui fera ressortir la beauté de l'arbre à tel période de l'année (en automne, les arbres caducs portent des couleurs flamboyantes, une céramique de couleur verte ou mauve soulignera les tons chauds). De manière générale, quelque soit la qualité du pot, il doit de se faire oublier, être d'une couleur retenue et avoir une forme en correspondance avec les exigences physiologiques et esthétiques de l'arbre.

            Ces arbres miniatures, un peu comme des acteurs en représentation jouent leurs propres rôles, ce qu'ils sont finalement, c'est-à-dire des arbres de plaines ou de haute-montagne.

            En théorie, des arbres correctement cultivés ne meurent pas, ils ne sont pas programmés pour ça, ils sont en revanche très sensibles aux conditions extérieures (parasites, maladies, conditions climatiques, manque d'eau, etc...). Ainsi, s'ils sont bien soignés, certains arbres " trésors nationaux " au Japon sont légués de maîtres en maîtres sur plusieurs générations : des "petits trésors" !

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Commentaires
J
Je ne voyais que le mauvais côté merci de me montrer le bon
Y
Un bonsai naturel se créérait en récupérant un rejeton d'arbre qui, dans la nature, n'aurait guère de chance de pousser. Il s'agit donc d'amener un epu de nature chez soi, et de créer harmonieusement avec elle. l'homme fait partie du Tao aussi bien que les plantes, les animaux, les pierres, les voitures, les ordinateurs et les ordures. Tout est Tao ! Un bonsai est un support de méditation, pour se relier au Ciel, l'arbre même miniature servant d'échelle de Jacob. Méditation aussi sur les rapports de l'homme à la Nature. Les praticiens de bonsai ne détruisent pas les forets pour assouvir leur passion, et admirent pleineemnt les arbres poussant en pleine nature.
J
est-ce qu'on peut dire que celui qui cultive un bonsaï a pour rôle principal de freiner sa croissance? et que la culture du Bonsaï reflète la volonté des hommes de dominer, contrôler, modifier, voir détruire, tout ce qui les entoure (végéteaux, animaux, autres éléments naturels...)?
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